Temps mort

 

Le lendemain, Clay veilla à ce que je fasse la grasse matinée, en laissant les rideaux tirés et en s’assurant que la pièce reste fraîche et silencieuse. Il débrancha même le réveil sur la table de chevet, si bien que, lorsque je me réveillai, groggy, et jetai un coup d’œil pour voir quelle heure il était, aucun affichage lumineux ne me fit la morale.

Quand je me réveillai pour de bon, sans doute en milieu de matinée, je découvris un petit déjeuner buffet digne d’un restaurant à portée de la main. Il y avait là des muffins, des croissants, des bagels, des fruits et du jus d’orange fraîchement pressé. Juste assez de variété pour être sûr que je sois tentée par quelque chose.

Même alors qu’on mangeait dans le lit, Clay continua à se taire. Étendu à côté de moi, il lisait en buvant du jus d’orange pendant que je grignotais mon muffin à la banane et aux noix. Quand j’eus l’estomac bien rempli, rien ne m’empêchait de me rallonger pour somnoler, alors c’est ce que je fis.

Lorsque je m’éveillai de nouveau, Clay lisait toujours. Je tendis la main et caressai son bras sous le pansement. Je m’attendais à trouver sa peau nue fraîche, à cause de la clim, mais elle était chaude, presque brûlante.

— Bonjour, ma chérie.

Il roula sur le côté et laissa son livre tomber par terre. Je posai mes doigts sur sa poitrine… qui était fraîche, elle.

— Ton bras est chaud à l’endroit où elle t’a griffé. Jeremy devrait…

— Ouais, je sais. Je lui demanderai de regarder quand il reviendra. (Il plia le bras et fit la grimace.) Qui sait quel genre de saloperies ce zombie avait sous ses ongles ?

— Tu crois que ça s’est infecté ?

— Peut-être un petit peu. (Il écarta une mèche de cheveux de mon visage et fronça les sourcils.) Je vais demander à Jeremy de vérifier ton état, à toi aussi. Tu as encore l’air fatiguée.

— J’ai assez dormi. (Je m’étirai et m’ébrouai pour tenter de me débarrasser de la torpeur.) Trop, même. Quelle heure est-il ?

— Presque une heure.

— De l’après-midi ? (Je m’assis brusquement.) Où sont les autres ?

— Dehors, à la recherche de Shanahan. Nick vient d’appeler.

— Je n’ai pas entendu…

Clay souleva mon téléphone portable.

— Nick l’a mis sur vibreur avant de partir. Ils s’arrêteront ici avant d’aller à leur rendez-vous avec Hull.

Je me levai d’un bond.

— C’est vrai. Il faut que je me prépare.

— On n’y va pas.

— Oh, ne recommence pas !

Il se leva en étouffant un bâillement.

— Ce n’est pas moi, ce sont les ordres de Jeremy. C’est un rendez-vous en plein jour dans un endroit public, alors il n’emmène qu’Antonio et Nick. On est censés rester ici et se reposer jusqu’à ce soir.

— On fait quoi ce soir ?

Il haussa les épaules.

— Je n’en sais rien, mais je suis sûr que Jeremy trouvera bien quelque chose.

À son retour, Jeremy m’examina et décréta que j’avais encore besoin de repos. Mais le bras de Clay l’inquiéta davantage. Il présentait des signes d’infection, alors que Jeremy avait soigneusement nettoyé la plaie la veille. Se faire griffer par un cadavre en putréfaction n’avait rien d’hygiénique.

Quand il eut nettoyé la plaie, refait le pansement et donné des antibiotiques à Clay, Jeremy dut repartir pour son rendez-vous avec Hull.

— En attendant, qu’est-ce qu’on peut faire ? lui demandai-je pendant qu’il rangeait ses fournitures médicales. Des coups de fil à passer ? De nouvelles questions à étudier ?

— Je crois qu’on a épuisé toutes ces possibilités-là. Contente-toi de te détendre et de te reposer pour ce soir.

— Qu’est-ce qu’il y a ce soir ?

Je vis bien à l’expression de Jeremy qu’il n’en savait rien.

— Eh bien, finit-il par dire, Jaime a suggéré une séance de spiritisme…

— Super. Avec qui ?

— Elle veut essayer de contacter les gens de Cabbagetown qui ont disparu dans le portail pour s’assurer qu’ils sont toujours là-dedans et qu’ils vont bien.

— Oh. Je suis sûre que ça pourrait être intéressant…

— Ouais, tu parles, dit Clay en lançant les papiers de nos muffins dans la poubelle à l’autre bout de la pièce. Une perte de temps, oui !

— Je crois que son véritable but est de voir s’il y a quelqu’un d’autre à l’intérieur, expliqua Jeremy.

— En voilà, une bonne idée !

Jeremy me regarda de travers.

— Tu trouves ça bien, toi, de demander à Jaime de mener une séance difficile pour qu’elle puisse faire la connaissance d’un célèbre tueur en série ?

Je traversai la pièce et rattrapai mon jus d’orange à moitié plein avant que Clay le jette.

— Mais ça nous permettrait de vérifier à quel point l’histoire de Matthew Hull est vraie.

— Peut-être, mais j’espère m’en assurer avant, cet après-midi.

On retrouva Jaime pour le déjeuner et on se rendit au centre commercial. Dès qu’on eut franchi les portes, on tomba sur un kiosque à journaux. Les gros titres de l’un d’eux attirèrent mon regard : « le choléra tueur ? des rats qui saccagent tout ? »

— Comment ça ? dis-je en me dirigeant vers le kiosque. Est-ce que le choléra a tué… ?

— Non, coupa Clay en m’attrapant le bras. Quelqu’un est mort hier dans une maison de retraite, mais les autres journaux disent qu’il n’y a aucun lien avec le choléra.

— Et les rats ? Est-ce qu’ils ont… ?

— Mis quelqu’un en pièces ? (Clay me lança un regard de reproche.) Je t’avais bien dit qu’on regardait trop de films d’horreur. Mais si tu veux rentrer à la maison…

— Non, Jeremy a raison. Il suffit d’éviter l’eau du robinet et les rats. Je pense pouvoir y arriver.

On se dirigea vers l’espace de restauration. Le silence était tel dans le centre commercial qu’on entendait les talons de Jaime claquer en remontant le couloir.

On acheta de quoi manger au petit marché où Jeremy m’avait pris mon petit déjeuner ce matin-là. Je suggérai d’aller s’installer dehors sur Trinity Square, mais Clay se dirigea vers un groupe isolé de tables vides. Je regardai Jaime en secouant la tête et suivis Clay.

— Qu’est-ce que c’est ? demandai-je en voyant Clay ramasser un feuillet sur une table.

Comme il ne répondait pas, j’en attrapai un sur une autre table. Sur ce bout de papier mal imprimé, quelqu’un avait fait la liste de tous les problèmes qui empoisonnaient la ville depuis quelques jours et les comparait aux signes de l’Apocalypse ; il encourageait même le lecteur à faire la paix avec Dieu parce que la fin était proche.

— Quelles conneries ! s’exclama Clay en m’arrachant le feuillet des mains pour le rouler en boule. Tu crois qu’ils ont seulement pris la peine de lire le livre de l’Apocalypse ? Des rats tueurs qui annoncent la fin des temps ? N’importe quoi !

Il fit un geste en direction du couloir. Apparemment, il avait changé d’avis sur le fait de manger à l’intérieur. On se dirigea vers la sortie opposée, en donnant de faux espoirs à un nouveau groupe de vendeurs morts d’ennui. En passant devant une boutique, je remarquai une pancarte hâtivement rédigée à la main.

— « Système de filtration de l’eau du robinet. Élimine le choléra, l’E. Coli et tout autre microbe contenu dans l’eau. Efficacité garantie. » Oh, et ils ont aussi du répulsif pour les rats. Ben voyons. Démarrez une apocalypse, quelqu’un d’autre se remplira les poches.

— Tu devrais demander un pourcentage, dit Jaime.

— Sans blague. Mais, tu sais ce que j’ai vraiment envie de faire ? Je veux grimper tout en haut de la tour CN, casser une vitre et crier : « Je suis désolée, vraiment, vraiment désolée. Je vous présente mes plus plates excuses. »

Jaime se mit à rire.

— Et tu jures par la présente de ne plus jamais commettre d’actes apocalyptiques à l’avenir ?

— Ce n’est pas ta faute, intervint Clay. C’est moi qui ai écrasé le moustique.

— Tue un insecte, déclenche l’Apocalypse, résuma Jaime. Tu parles d’un karma !

— J’avais un arriéré à payer, répliqua Clay. Allez, on se bouge. On commence à attirer l’attention.

— Allons nous asseoir à l’ombre, proposa Jaime, près de la cascade.

Qualifier de « cascade » l’eau qui se déversait dans le bassin en béton sur notre droite était généreux. Il s’agissait plutôt d’un jet d’eau à haute pressurisation constante qui sortait d’un mur. C’était censé être une fontaine de style industriel, mais, chaque fois que je la voyais, je ne pouvais m’empêcher de soupçonner les propriétaires du bâtiment d’avoir trouvé un moyen ingénieux de rejeter leurs eaux usées en appelant ça de l’art.

On s’assit sur un banc surplombant une vaste étendue de mauvaises herbes et de pelouse rase et jaunie, où un écureuil solitaire faisait des cabrioles.

— C’est quoi ce truc ? demanda Clay.

Je plissai les yeux pour déchiffrer la pancarte, qui montrait des gens pieds nus se frayant joyeusement un chemin à travers un grand labyrinthe d’herbe verte.

— Un labyrinthe, répondis-je. Mais on dirait qu’ils ont oublié de l’arroser et d’arracher les mauvaises herbes. Ou qu’ils l’ont oublié tout court.

— Il est où, leur labyrinthe ?

— Tu vois les parties sombres, là où l’herbe est plus brune qu’ailleurs ?

Clay secoua la tête.

— Et moi qui pensais qu’on était de mauvais jardiniers.

— Mais l’écureuil s’éclate, lui, fit remarquer Jaime en riant derrière son wrap végétarien. (Elle en prit une autre bouchée et la dévora avant de changer de sujet.) À propos de ce soir… j’ai proposé une séance à Jeremy…

Mon portable se mit à sonner.

— C’est Nick ? demanda Clay pendant que je vérifiais l’affichage.

— Anita Barrington.

Il renifla d’un air méprisant.

— Je parie qu’elle nous a déniché une autre histoire. Dis-lui…

Je lui fis signe de se taire et décrochai.

Oui, Anita avait des infos supplémentaires. J’essayai de les obtenir par téléphone, mais elle insista en disant que ce n’était pas assez sûr.

— Je vous rappelle d’une ligne fixe, si vous préférez, proposai-je. Donnez-moi juste cinq mi…

— Non, ma chère. Vous ne comprenez pas. C’est… Il faut vraiment que je vous voie.

Clay secoua énergiquement la tête pour dire non.

— En réalité, je ne bouge pas de l’hôtel aujourd’hui. Ce sont les ordres du docteur…

— Dans ce cas, c’est moi qui vais venir vous voir. Erin est partie chez ma sœur. Il valait mieux qu’elle quitte la ville le temps que tout ça se termine. Je vais fermer le magasin de bonne heure. Oh, j’en profiterai pour jeter un œil à cette lettre pendant que j’y suis. Vous l’avez toujours, n’est-ce pas ?

Clay fronça les sourcils et se rapprocha de moi pour mieux entendre.

Je répondis à Anita qu’on avait la lettre et qu’on la laisserait volontiers l’examiner.

— Excellent. Vous êtes descendus dans quel hôtel ?

Je jetai un coup d’œil à Clay.

— Celui dont je vous ai donné le numéro.

— Oh ? Vous êtes toujours là-bas ? Oui, bien sûr que vous…

— Euh, non, désolée. J’ai complètement oublié. On a changé la nuit dernière. On est au Marriott, près du centre Eaton. On se retrouve dans le hall, d’accord ?

— La lettre se trouve juste là, sur la table, dis-je en amenant Anita dans notre chambre d’hôtel. Il y a des gants à côté.

Elle se dirigea tout droit vers la table. Je me laissai tomber sur le lit.

— Tu te sens fatiguée, ma chérie ? demanda Clay.

— Il fait trop chaud. Où est la bouteille d’eau ? ajoutai-je en regardant la table de nuit.

— Tu l’as vidée. Je vais t’en chercher une autre.

— Non, prends du jus de fruit. Tu crois qu’ils ont du cranberry ? (Je me relevai tant bien que mal.) Attends, je vais aller voir avec toi. Anita…

— Pas de problème, ma chère, répondit-elle, la tête penchée sur la lettre.

Deux minutes plus tard, Anita Barrington ouvrit la porte de notre chambre d’hôtel, se faufila dans le couloir et faillit heurter Clay, planté au beau milieu du passage. Elle se retourna aussitôt et vit que je bloquais l’autre issue.

— Oh, vous êtes revenus ! Vous avez fait vite. J’allais juste…

— Partir avec notre lettre, répondis-je en désignant le tube dans sa main.

Elle laissa échapper un petit rire.

— Oh, ma chère, c’est l’impression que je donne, n’est-ce pas ? Mais je ne partais pas. Je voulais juste descendre à votre rencontre et ça ne me paraissait pas très prudent de laisser ça dans votre chambre.

Tandis qu’elle parlait, Clay ouvrit la porte de notre chambre. Je fis signe à Anita d’entrer. Elle hésita, nous dévisagea, puis entra.

— Bon, dit-elle après que j’eus refermé la porte. À propos de l’histoire que j’ai dénichée…

— Pas la peine de nous la raconter, sauf si c’est la vraie, répondit Clay.

Je saisis l’extrémité du tube contenant la lettre. Anita s’y accrocha une seconde avant de le lâcher.

— Mais elle a raison, tu sais, dis-je à Clay. Il faut qu’on soit plus prudents avec cette lettre. Quelqu’un aurait pu s’introduire dans notre chambre et tout saccager pour mettre la main dessus.

Il hocha la tête.

— Quelqu’un qui savait dans quel hôtel on était.

— Parce que cette personne a bien pris soin de nous demander le numéro de notre hôtel. Elle a dû deviner ce qu’on est, alors elle savait qu’elle avait besoin d’une potion pour masquer son odeur.

— Et cette personne sait aussi lancer des sorts brouilleurs, des sorts repoussoirs et des sorts de camouflage… c’est pour ça qu’on ne l’a pas vue dans la salle de bains.

Le regard d’Anita passa de Clay à moi.

— Je ne vous suis pas. Est-ce que quelqu’un s’est introduit…

— Tout à l’heure, vous m’avez demandé dans quel hôtel on était descendus. Vous saviez qu’on avait une raison d’en changer, la nuit dernière.

Elle se mit à rire.

— Non, ma chère, j’ai vraiment une mauvaise mémoire. J’avais complètement oublié que vous m’aviez dit dans quel hôtel…

Elle se jeta en direction de la lettre, projetant Clay à la renverse à l’aide d’un sort repoussoir. Je plongeai à mon tour pour lui barrer la route, mais ses doigts se refermèrent sur le tube au moment où elle lançait un autre sort. Les contours de son corps se brouillèrent et, pendant une seconde, elle sembla disparaître.

— Elena !

Clay se releva d’un bond. Une silhouette brouillée apparut à côté de moi. Je m’écartai précipitamment tandis que des doigts effleuraient mon ventre. Déséquilibrée, la silhouette perdit l’équilibre et heurta la table de nuit, renversant la lampe qui s’écrasa par terre. Je donnai un coup de poing, mais ratai ma cible. La silhouette brouillée courut vers la porte. Clay s’élança pour lui barrer le chemin. Anita se cogna contre lui de plein fouet et réapparut au moment où elle heurtait la moquette. Je courus récupérer la lettre qu’elle avait laissé tomber.

— Elena !

Je fis volte-face au moment où Anita levait les mains pour lancer un sort repoussoir. Nos regards se croisèrent, et elle hésita, ce qui laissa à Clay le temps de se relever. Il attaqua, l’attrapa par le dos de son chemisier et la jeta par-dessus son épaule. Elle atterrit dans la lampe, qu’elle entraîna dans sa chute. Clay marcha droit sur elle. Anita essaya de reculer pour lui échapper, mais en vain. Clay se campa au-dessus d’elle. Anita écarta les lèvres pour formuler un sort, mais elle tremblait trop pour que les mots sortent de sa bouche.

— Clay, murmurai-je.

Il hésita, puis recula. Je pris sa place.

— Il vaut mieux ne pas jouer à ces jeux-là avec nous, dis-je. On a tendance à les prendre au sérieux.

Je me baissai pour l’aider à se relever.

— Asseyez-vous là, dis-je en désignant le fauteuil. Et racontez-nous la véritable histoire de cette lettre – celle qui parle d’immortalité.

Elle tenta de protester et de nous mener une fois de plus sur une fausse piste, mais elle finit par nous raconter l’histoire en question, qu’elle connaissait avant même d’aller trouver Shanahan pour voir la lettre.

Un mage avait créé le portail. Il venait de terminer une expérience qui permettait d’obtenir une forme d’immortalité. Ce genre d’expérience était monnaie courante, mais celle-là laissait à penser aux autres êtres surnaturels que le mage avait bel et bien trouvé un moyen d’y parvenir. Certains voulaient voler ses recherches. D’autres voulaient l’empêcher d’aller plus loin. Alors, il avait créé le portail pour se cacher et dissimulé le déclencheur dans le papier utilisé pour écrire la lettre « From Hell ».

Quand Anita eut fini son récit, je lui racontai la version de Hull.

— On dirait un mélange des deux histoires, celle du semi-démon et celle de l’expérience sur l’immortalité, commenta-t-elle, les sourcils froncés. Peut-être que cette histoire tout juste bonne pour une veillée autour d’un feu de camp contient plus d’éléments véridiques qu’on l’aurait cru.

Je ne répondis pas. Au bout d’un moment, elle reprit la parole.

— La récompense du démon est peut-être l’immortalité. Ou le secret pour l’obtenir. Le mage n’a fait que créer le portail – c’est le semi-démon Jack l’Éventreur qui s’est caché à l’intérieur.

— Et qui sera bientôt libre de répandre la terreur dans un monde qui ne se doute de rien, conclut Clay d’une voix traînante. Mais, pour l’instant, il fait un boulot plutôt foireux.

— Peut-être qu’il est juste en train de s’échauffer.

Deux heures plus tard, Jeremy entra dans notre chambre et poussa un soupir en voyant les dégâts.

— Tu parles d’une journée de repos, murmura-t-il en remettant sur pied la lampe cassée.

— Ce n’est pas notre faute, expliquai-je. Anita Barrington est passée nous voir, et l’enfer s’est déchaîné.

Nouveau soupir.

— Tu crois que je plaisante ? Apparemment, ce n’est pas Shanahan, le lanceur de sorts qui s’est introduit dans notre chambre la nuit dernière.

On lui raconta ce qui s’était passé.

— Et après tout ça, sans parler de la commotion cérébrale que je lui dois à cause d’hier soir, elle a encore eu l’audace de demander si elle pouvait parler avec Matthew Hull.

— Sans doute dans l’espoir qu’il en saurait plus qu’il veut bien le dire, ce dont je doute, après avoir discuté avec lui aujourd’hui. Quant à la lettre, je ne vois pas bien ce qu’elle espère en tirer.

— D’après nous, elle espérait s’en servir comme moyen de pression sur Shanahan. Si les zombies veulent la récupérer, quoi de mieux à offrir à l’homme qui, d’après elle, détient peut-être le secret de l’immortalité ?

— Vous lui avez posé la question ?

Je secouai la tête.

— On s’est dit qu’il ne valait mieux pas. Pas encore.

— Tant mieux. Elle peut peut-être encore nous être utile.

Notre déjeuner ayant été interrompu, on en prit un autre, tardif, avec Jaime, Nick et Antonio au restaurant de l’hôtel. Ce dernier était vaste et brillamment éclairé, avec d’immenses fenêtres et des parasols. On avait l’impression de manger en terrasse, sans les insectes, la chaleur et le smog.

D’après Jeremy, Hull avait obtenu quatre-vingts pour cent de bonnes réponses lorsqu’il l’avait interrogé sur la géographie et les événements mineurs du Londres de 1888. C’était le genre de questions auxquelles un non-résident aurait eu du mal à répondre, mais auxquelles un résident aurait également eu du mal à répondre à la perfection.

Jeremy avait même mentionné le fait que nous connaissions quelqu’un qui essaierait peut-être de contacter Jack l’Éventreur au sein du portail ce soir-là, pour voir comment Hull allait réagir. Ce dernier avait approuvé et avait même proposé de nous aider, sans se rétracter ni revenir sur son récit.

Le serveur nous apporta nos plats, empêchant Jeremy de poursuivre.

— Bon, dit Clay après le départ du serveur, le type semble clean. Mais, à part s’attirer nos votes de sympathie, qu’est-ce qu’il peut bien nous apporter ?

Antonio ouvrit la bouche pour répondre, mais Nick le devança.

— Il croit pouvoir nous conduire à Shanahan. Il affirme ressentir une espèce d’attraction, comme si Shanahan essayait de le contrôler. Il nous a proposé d’essayer de suivre cette attraction ce soir.

Antonio, les yeux baissés, fit tournoyer une de ses frites dans son ketchup.

— Tu n’y crois pas, lui dis-je.

— Il me fait penser à ces cadres qui prennent rendez-vous avec moi et qui jurent qu’ils peuvent me décrocher un projet conjoint avec un des grands noms de l’industrie parce que leur cousin au troisième degré est marié à la nièce du type. Ils sont peut-être convaincus d’avoir le bras long, mais, ce qu’ils veulent vraiment, c’est se retrouver dans mes petits papiers, pour attirer l’attention du type dont le nom est écrit sur le bâtiment. Hull croit ressentir un lien entre Shanahan et lui et il va sûrement faire tout ce qu’il peut pour que ça marche, mais ce qu’il veut vraiment, c’est créer un lien entre lui et nous, se rendre utile pour qu’on l’aide et qu’on le protège.

— C’est un parasite, décréta Clay.

Antonio acquiesça la tête.

— C’est violent, dit comme ça, mais oui. Malgré tout, est-ce qu’on peut vraiment lui en vouloir ? Ce pauvre diable est perdu et tout seul dans un monde étrange. Il veut juste un peu de notre temps.

Je jetai un coup d’œil à Jeremy.

— On va lui en donner ce soir ?

— Oui, mais seulement parce que c’est une piste et qu’on n’en a pas beaucoup à suivre.

— Si, vous en avez une autre, répondit Jaime en levant les yeux de sa salade pour soutenir le regard de Jeremy. Vous pouvez aller à la pêche aux infos dans un portail dimensionnel, grâce à votre nécromancienne extrêmement sous-employée.

Après le repas, on changea d’hôtel… une fois de plus. On avait déjà assez de complications comme ça sans s’inquiéter d’une nouvelle intervention d’Anita Barrington.

Rupture
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